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Injonction au bonheur

Ma colère gronde. Elle enfle. Ça a commencé comme une petite goutte qui a fait déborder le vase. Puis la goutte a commencé à faire écho dans mes pensées en se transformant en vaguelettes. Les vaguelettes dernièrement se sont transformées en Tsunami. Je suis en colère contre l’injonction au bonheur et je t’explique pourquoi.

Le bonheur et moi

C’est une longue relation. Elle commence à mon adolescence. Du moins, j’en ai pris conscience à mon adolescence. Lorsque j’étais joyeuse, énergique, heureuse, j’étais appréciée, j’ai donc choisi d’être plus appréciée et « aimée ». J’ai pleinement choisi de me créer un masque positif pour faire croire à tous ceux qui m’entouraient que :

  • tout allait bien,
  • rien ne m’atteignait,
  • tout était facile,
  • j’étais heureuse en tout temps.

Pourtant mon évolution d’adolescence vers l’adulte a été faite non sans difficulté : pression pour être la « bonne fille parfaite », non appartenance au groupe, superficialité dans mes relations, déprime. Le lot de beaucoup d’adolescents, j’en ai conscience aujourd’hui. Mais je passais de nombreuses heures à pleurer dans l’obscurité de mes pensées. Une fois les larmes séchées, j’arborais mon masque.

Aux yeux de tous, j’étais une ado, une fille, une amie sans histoire, facile et heureuse. J’avais trouvé le bonheur et le montrais à tous.

Plus tard, j’ai appris et j’ai grandi. Mon bonheur, le vrai, je l’ai découvert à travers l’amour de mon mari, de mes enfants, des projets stimulants, de phases heureuses dans ma vie, d’accomplissements personnel.

Non, ça ne va pas

J’ai conservé mon caractère solaire, joyeux et dynamique mais sans conserver son masque. En vieillissant, je me suis rendue compte que ce tempérament faisait entièrement parti de moi. Mais, j’ai appris de mes erreurs du passé et je ne porte plus ce masque. Lorsque ça ne va pas, je le dis.

As-tu déjà essayé de répondre à cette question « Salut, ça va ? » par autre chose que « ça va » ? Je le fais, je réponds que ça ne va pas lorsque ça ne va pas. Souvent cette réponse dérange. Comme si il était interdit de répondre autre chose. Est-il interdit de ressentir autre chose que du bonheur ?

Injonction au bonheur

Parce que on a le droit d’être triste, malheureux, déprimée, en souffrance, de se sentir mal. Le bonheur est lié à un statut de bien-être, de perfection alors que notre part d’ombre est lié à un statut malaisant, voire maladif avec lequel notre société n’est pas à l’aise.

Il est devenu depuis plusieurs décennies la norme de tendre vers le bonheur, vers cette perfection illusoire. Rejeter notre part d’ombre, en tentant de la soigner, de la guérir est une obligation tacite. Il est interdit de se sentir mal. Pourtant, notre part d’ombre nous guide autant que notre part de lumière. Il faut savoir l’écouter et ne pas juste la rouler sous le tapis et l’oublier.

« Comprendre, guérir, pardonner, et apprivoiser ce qui ne m’appartient pas pour me libérer. »

Ces derniers mois, j’ai fait un gros travail sur moi-même avec une analyse psychogénéalogique. C’était là en moi. Cette part d’ombre du passé que je trainais comme un boulet selon moi m’empêchait d’être heureuse et de m’épanouir. Lorsque j’ai commencé l’analyse mon objectif était de faire une croix sur mon passé et être enfin heureuse une bonne fois pour toute. En finissant cette analyse, je me suis rendue compte que mon objectif était devenu « comprendre, guérir, pardonner, et apprivoiser ce qui ne m’appartient pas pour me libérer ». On s’entend que l’objectif a pas mal évolué, ma notion du bonheur aussi.

Per-cep/fec-tion du bonheur

Il y a quelques mois, j’ai enregistré un podcast avec Sophie-Charlotte Chapman concernant le deuil et la perte de son mari (si tu n’as pas écouté cet épisode, je te conseille de faire un tour par ici). En jasant avec elle, je me suis rendue compte du poids de la société à aller mieux, à sortir de son deuil. Pourtant, se sentir triste est normal et si le travail du deuil (les 7 étapes) n’est pas respecté, il peut y avoir de graves conséquences sur la santé mentale, et la vie quotidienne.

Le deuil, la tristesse, broyer du noir n’a plus la place dans notre culture. Il faut absolument trouver une solution à ces problèmes qui sont pourtant nécessaires dans notre évolution personnelle. Il faut être heureuse, il faut montrer que tout va bien, il faut montrer qu’il n’y a pas de vague.

Mais que se passe-t’il si on n’y arrive pas ? La punition est directe et expéditive : tu n’appartiendras plus au groupe. Projeter une vie radieuse dans laquelle on baigne dans le bonheur est alors une obligation, une injonction.

« Il faut mener une petite vie parfaite et lisse, dans laquelle, on rayonne de bonheur. »

Il faut mener une petite vie parfaite et lisse dans laquelle on rayonne de bonheur. Cela m’est difficile d’écrire ces mots, car je suis souvent dans le rayonnement de ma lumière vers les autres, c’est ma mission de vie. C’est toute ma vie même.

Une vie nuancée est la clef

Pas d’hypocrisie dans mes mots, j’ai appris de mes erreurs de coach débutante. Il y a 4 ans je voulais « sauver tout le monde », j’étais ce que j’appelle aujourd’hui une « bébé coach », je n’étais pas formée, je voulais donner des solutions clefs en mains. Puis, je me suis formée au vrai métier de coach, j’ai appris, parfois la leçon a été difficile, parfois elle a été naturelle.

J’ai appris qu’on ne peut pas sauver ceux qui ne veulent pas être sauvés. Mais aussi, j’ai appris que notre part d’ombre est une part de nuance en nous, qu’elle est là au même titre que la lumière et qu’elle est nécessaire.

« La lumière brille plus fortement dans l’obscurité. »

J’ai aussi appris qu’il est facile de faire croire à la perfection d’une illusion impossible à atteindre. C’est bien plus facile de mettre son obscurité cachée dans un placard ou sous le tapis, que d’avoir la force de montrer aux yeux de tous que « non, ça ne va pas ».

J’utilise souvent la métaphore du loup pour notre société : le loup dans sa meute survit, le loup en dehors de sa meute meurt. Ne pas tendre à exceller vers le bonheur c’est sortir du groupe, c’est refuser de t’y conformer à tes risques et périls, tu sors de la meute.

Quelle est la solution ?

Déjà si aujourd’hui, tu ne te sens pas heureuse, j’ai envie de te dire que c’est correct et que ça va aller, que c’est un passage nécessaire dans ta vie. Tu es probablement en train de vivre une évolution peut-être douloureuse ou difficile. Personne est pas obligée de se sentir heureuse pour vivre et même pour vivre une vie épanouissante.

J’ai aussi envie de te dire d’arrêter de comparer ta vie à toutes ces gurus, solutions en mains, qui pour la plupart ne te permettront que de mettre un pansement de quelques jours sur une hémorragie tout en dépensant des sommes astronomiques.

« Le bonheur absolu est une utopie, une perception de perfection de vie est factice, creuse et hypocrite. »

Remet en question, est-ce qu’une personne peut vraiment être heureuse chaque jour de sa vie dans chaque chose qu’elle fait ? Nous ne sommes que des humains et la mouvance, la dualité font partie de nous. Il y aura toujours des choses qui nous blesseront, il y aura toujours des choses qui nous rendront heureuses.

Mon Tsunami de colère, aujourd’hui, fait face à mon impuissance face à cette culture, face à ces pensées de perfection, face à cette injonction au bonheur constant. C’est une utopie malaisante qui blesse bien plus de gens que n’apporte de la lumière dans leur vie.

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  • Tu nous offres encore une fois un article sincère et authentique, tu sais mettre les mots sur ces choses qu’on ressent tous au quotidien. S’accepter soi-même, et accepter ses émotions, bonnes ou mauvaises, c’est un long chemin, tout comme les laisser transparaitre face aux gens qui nous entourent (et qu’on idéalise souvent … ).

    By Elodie • 9 Fév 2021
  • Exactement Elodie, c’est un long chemin comme tu le dis si bien ! C’est un peu comme faire un appel visio sans maquillage, avec des cernes de 10 pieds et mauve fluo; tu ne fais pas ça avec tout le monde. Je sais que tu sais que je sais ahahah

    By Sophie Roux • 9 Fév 2021
  • Ma chère Sophie,
    Que dire à part que je suis 100% d’accord avec tes mots. Merci d’avoir écrit cet article qui résonne fort en moi.

    By Gwendaëlle • 21 Fév 2021
    • Bienvenue Gwen <3, il a été écrit du fond du coeur <3

      By Sophie Roux • 22 Fév 2021